Aujourd’hui, nous sommes en 2021, soit 56 ans après le début de mon engagement pour sauver l’aquarelle qui se noyait dans un verre d’eau et coulait à pic.
Je me suis assigné la même mission aux alentours des années 70 pour le Pastel sec.
Les décennies ont passé et peu de gens peuvent imaginer ce que j’ai réalisé et ce que serait le monde de l’art sans ces deux médiums.
Il est tout à fait normal que beaucoup d’artistes, de critiques, de galeristes, de conservateurs, de commissaires-priseurs et d’amateurs d’art ignorent cette réalité ou ne veulent pas savoir, trop occupés ou trop centrés sur d’autres formes d’expression mises en avant à cette époque ou pendant cette période.
Comme d’habitude, certains contradicteurs diront que ce n’est pas vrai ou pas possible. Et pourtant, tout est vérifiable, authentique et les résultats sont là.
Il est pourtant facile de comprendre que quand un fabricant ne vend plus ses produits et ne gagne plus sa vie, il arrête les machines et la production pour passer à autre chose de plus rentable avant la faillite ou la liquidation.
Tout se désagrège et disparaît très vite, en général définitivement.
Sans mon opiniâtreté, je suis convaincu que c’est ce qui serait arrivé en moins de temps qu’il ne faut pour le dire.
Je l’ai vécu de près et en direct auprès des principaux intéressés.
A l’époque, tout le monde s’en foutait et ces deux techniques auraient disparu dans le silence le plus complet.
En général, c’est après le désastre que les plus railleurs et les petits farceurs vous disent : « Merde, comment cela a été possible ? Comment cela a -t-il pu arriver ? »
Je me rends compte qu’il m’a fallu, comme un apôtre, des montagnes de ténacité et d’engagements pour convaincre les décideurs et faire relancer les hommes et les machines qui, par contrecoup, ont fait découvrir ces techniques à des générations plus jeunes et moins sclérosées.
Il peut paraître incroyable, que par la volonté et la démarche d’un seul homme, les choses aient évolué de cette manière, partant de mes petites expos individuelles, mes conférences, mes démonstrations dès que j’en avais l’occasion.
Sans aucun moyens, sans aides d’aucune sorte, sans subventions, sans mécènes, il m’aura fallu une sacrée dose d’optimisme et de courage pour convaincre et persévérer malgré l’indifférence générale du monde de l’art.
Puis, à force d’initier et d’expliquer, des adeptes et des fidèles convaincus, ont adopté ces médiums pour travailler. Ils se sont déplacés de pays en pays, franchissant les frontières, faisant à leur tour de nouveaux disciples et tels des croyants convertis ont initié de nouveaux fidèles sur toute la planète.
Bien sûr les choses se sont faites doucement, cela a mis du temps.
(Je me souviens d’un galeriste à qui je présentais mes aquarelles qui me dit un jour :
« Je ne pensais pas qu’un peintre puisse encore s’intéresser à l’aquarelle, c’est une technique de grand-mère !
De toutes les manières, ma clientèle est Américaine, elle n’en voudra pas, elle ne connaît pas, elle ne veut pas d’œuvres sur papier, elle veut du solide !
Il fallait avoir le moral pour persévérer, en sortant de ce genre d’entreprise de démolition.
Est-ce de la raison, de la déraison ou de la passion ?
Ce qui compte, c’est le dénouement.
Conclusion : Le bilan est positif !
Un véritable exploit.
Aquarelle et Pastel, ces deux techniques pâtissaient d’une mauvaise image de marque auprès des peintres eux-mêmes qui les déconsidéraient et les dépréciaient, affirmant qu’elles étaient faites pour la préparation de l’œuvre finale : l’huile sur toile.
Celle-ci était considérée comme la finalité de diverses recherches avec croquis, dessin, aquarelle, gouache, ou pastel et était donc servie en plat de magnificence et comme étant l’aboutissement souverain. « Laisse cela aux jeunes filles de bonne famille me disait-on sans cesse ».
Je pensais plus simplement qu’en réalité, bon nombre de peintres étaient et sont encore de nos jours incapables de maîtriser ces médiums. Ce sont des techniques rapides, sans repentir possible et il faut une grande dextérité pour les posséder pleinement.
La gestuelle pour réaliser une aquarelle de grand format est très particulière.
Réussir une aquarelle de 102 X 73 centimètres en une seule fois en partant d’un papier détrempé à l’éponge, uniquement pendant le temps de séchage, n’est pas à la portée du premier venu… Il faut être un virtuose.
Sur un petit format, on s’en sort toujours et il est facile de faire illusion. Peu de gens ont compris l’esprit véritable et la légèreté nécessaire à l’aquarelle. Du moins, si l’on veut s’obliger à appliquer les règles de base sans la « fatiguer ou la gouacher »
Aquarelle et Pastel sont devenues des techniques universelles, autant aimées et appréciées que leurs aînées. Ceci à travers le monde entier, j’espère que cela sera pérenne et irrémédiable.
Quelques fois, je me demande, comment les choses auraient évolué sans mes initiatives…
Bien sûr j’entends d’ici les grincheux, les champions de la désinformation nous dire :
– Mais bon nombre de peintres faisaient le l’aquarelle à cette époque !
– Oui mais, ceci est vérifiable : Aucun peintre de métier n’était uniquement aquarelliste ou pastelliste. Aucun n’a cherché à relancer et à rénover ces moyens d’expression comme je l’ai fait. Certains utilisaient effectivement ces matériaux épisodiquement, mais jamais à plein temps.
Quelques illustrateurs se servaient de l’aquarelle pour mettre en couleur BD ou encyclopédies, mais aucun peintre n’en faisait sa technique de prédilection à part entière.
Juste pour donner une petite idée de ce que les peintres de l’époque accordaient comme valeur à leurs aquarelles je raconterais une anecdote qui m’a été rapportée par un artisan venu faire des travaux chez Fernand Léger, alors en pleine gloire, et qui habitait à Gif sur Yvette.
Comme le peintre avait décidé d’aller boire un coup au bistrot d’en face, il avait saisi une aquarelle qu’il avait punaisée sur sa porte en griffonnant dessus : « À l’attention de l’électricien. Suis au bistrot en face. Venez boire un café ».
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